Leçons de linguistique de Gustave Guillaume 1945-1946. Faits de langue et faits de discours. Tome 18
Parution: 30 septembre 2008
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Nb. de pages:
250
Description
L’esprit humain a créé la langue et la langue, en lui créée par lui, en conditionne la puissance. La langue fait à ce titre partie intégrante de la vie de l’esprit. Nous la possédons comme on possède la vie. Les choses du langage, et en particulier l’organisation de la langue au fond de la pensée, objet principal de la psychomécanique du langage, sont, à l’instar d’un certain nombre d’autres matières de science, des sujets dont l’esprit ne se fatigue pas, et auxquels une longue attention ne retire ni leur attrait ni leur fraîcheur.
À chaque pas un peu important accompli dans l’étude des hautes questions linguistiques, on voit le sujet se renouveler presque entièrement et des problèmes qu’on avait cru résolus faire de nouvelles difficultés et requérir un nouvel et plus minutieux examen. La formation par l’esprit d’hypothèses explicatives affinant l’observation qu’il fait du réel, la révocation d’hypothèses antécédemment acceptées et la formation d’hypothèses explicatives d’une qualité meilleure qui engendreront à leur tour l’observation très fine du réel qui les révoquera, conduisent dans les sciences d’observation à une compréhension sans cesse affinée de leur objet d’étude. Il en sera ainsi pour l’esprit humain aussi longtemps qu’il y aura des hommes qui pensent et qui, perdus dans l’univers, chercheront à connaître ce qu’il est relativement à eux et ce qu’ils sont relativement à lui.
Il vient un moment en recherche scientifique où, après avoir observé pas mal de choses avec une relative justesse et introduit pour les expliquer un petit nombre d’hypothèses assez satisfaisantes, on éprouve le besoin, qui naît en même temps que la possibilité en apparaît, de ramener une foule de faits observés à un mécanisme générateur simple tel qu’il en justifie dans le plan du possible toutes les variations, lesquelles présentent dans le domaine de la linguistique une prodigieuse diversité. Un de ces faits simples dominants est le rapport, constamment renouvelé dans l’histoire du langage, du fait de langue et du fait de discours. La distinction de ces deux ordres de faits constitue dans l’étude du langage une hypothèse explicative de la plus grande valeur. L’histoire entière du langage est celle d’une opération de pensée de caractère analytique poursuivie depuis des millénaires, compliquée en cours de route d’opérations de synthèse, qui a permis de soustraire le fait de langue au fait de discours et ainsi de donner à l’acte de langage une aisance et une puissance qu’il doit essentiellement à cette opération abstractive. Cet allègement du fait de discours au préjudice de lui-même et au bénéfice du fait de langue sous-jacent, auquel nul jusqu’ici ne s’est intéressé, est le grand procès auquel il y a lieu de rapporter la typologie des langues.
À chaque pas un peu important accompli dans l’étude des hautes questions linguistiques, on voit le sujet se renouveler presque entièrement et des problèmes qu’on avait cru résolus faire de nouvelles difficultés et requérir un nouvel et plus minutieux examen. La formation par l’esprit d’hypothèses explicatives affinant l’observation qu’il fait du réel, la révocation d’hypothèses antécédemment acceptées et la formation d’hypothèses explicatives d’une qualité meilleure qui engendreront à leur tour l’observation très fine du réel qui les révoquera, conduisent dans les sciences d’observation à une compréhension sans cesse affinée de leur objet d’étude. Il en sera ainsi pour l’esprit humain aussi longtemps qu’il y aura des hommes qui pensent et qui, perdus dans l’univers, chercheront à connaître ce qu’il est relativement à eux et ce qu’ils sont relativement à lui.
Il vient un moment en recherche scientifique où, après avoir observé pas mal de choses avec une relative justesse et introduit pour les expliquer un petit nombre d’hypothèses assez satisfaisantes, on éprouve le besoin, qui naît en même temps que la possibilité en apparaît, de ramener une foule de faits observés à un mécanisme générateur simple tel qu’il en justifie dans le plan du possible toutes les variations, lesquelles présentent dans le domaine de la linguistique une prodigieuse diversité. Un de ces faits simples dominants est le rapport, constamment renouvelé dans l’histoire du langage, du fait de langue et du fait de discours. La distinction de ces deux ordres de faits constitue dans l’étude du langage une hypothèse explicative de la plus grande valeur. L’histoire entière du langage est celle d’une opération de pensée de caractère analytique poursuivie depuis des millénaires, compliquée en cours de route d’opérations de synthèse, qui a permis de soustraire le fait de langue au fait de discours et ainsi de donner à l’acte de langage une aisance et une puissance qu’il doit essentiellement à cette opération abstractive. Cet allègement du fait de discours au préjudice de lui-même et au bénéfice du fait de langue sous-jacent, auquel nul jusqu’ici ne s’est intéressé, est le grand procès auquel il y a lieu de rapporter la typologie des langues.
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