L'Hypostase des archontes. Traité gnostique sur l'origine de l'homme, du monde et des archontes (NH II,4), suivi de Noréa (NH IX,27,11-29,5) (BCNH "Textes" no 5)

Discipline: Sociologie
Parution: 19 juin 2009
Épuisé Ouvrage non disponible

Description

Les personnes qui s'intéressent au gnosticisme sont souvent frappées par la façon dont certains auteurs gnostiques s'approprient les textes bibliques. Les récits bibliques sont souvent revisités, transformés et réinterprétés afin de leur donner de nouvelles valeurs. Cependant, certaines fois, le texte en question peut être simplement soumis à une exégèse audacieuse et non conventionnelle. Quelle qu'en soit l'approche, le livre de la Genèse paraît être une source extrêmement privilégiée, particulièrement ses premiers chapitres. Dans son introduction à l'Hypostase des archontes, le professeur Barc soutient que l'auteur de ce texte a utilisé comme source une version réécrite de la Genèse; source également utilisée par les auteurs de l'Écrit sans titre sur l'origine du monde et de l'Apocryphon de Jean, deux autres textes découverts eux aussi à Nag Hammadi.
L'Hypostase des archontes est le quatrième traité du codex II de Nag Hammadi. Il est précédé de l'Apocryphon de Jean, l'Évangile de Thomas et l'Évangile de Philippe, et est suivi de l'Écrit sans titre sur l'origine du monde et de l'Exégèse de l'âme. Ce texte est très bien conservé, car il ne contient que quelques lacunes mineures. Il est rédigé en sahidique, un dialecte copte, mais l'original aurait été écrit en grec. Le professeur Barc soutient que ses liens avec la pensée de Philon permettent de rattacher cet écrit à la communauté juive d'Alexandrie. Quant à la date, il y a lieu de faire une distinction entre la première rédaction, témoin d'une gnose encore purement juive, et qui a pu être rédigée dans la première moitié du IIe et la rédaction christianisée (deuxième rédaction) qui peut être datée de la deuxième moitié du IIe siècle.
Le traité propose d'enseigner la vérité sur les puissances qui possèdent le pouvoir et qui ont autorité sur le monde. Le récit commence par l'affirmation du démiurge, le chef des archontes, qui s'attribue les mots prononcés par le Dieu du Deutéro Isaïe: «Je suis Dieu, il n'y en a pas d'autre en dehors de moi». Cependant il existe un autre Dieu que lui, mais il l'ignore. Une voix surgit donc de l'Incorruptibilité pour le réprimander et il fut poursuivi jusqu'en bas, au chaos. À cet instant, «l'Incorruptibilité regarda vers les eaux primitives et «son image apparut dans les eaux, et les puissances des ténèbres la désirèrent, mais ne purent saisir cette ressemblance» (87,14-25). Les archontes créèrent alors un homme à son image, Adam, qui reçut aussi l'esprit venant du royaume supérieur. Après lui avoir amené tous les animaux et tous les oiseaux pour qu'il les nomme, ils l'amenèrent au jardin d'Éden, où ils essayèrent de lui retirer l'esprit qu'il avait reçu. Or, cet esprit devint une femme, «la mère des vivants» (89,15). Les puissances la désirèrent et voulurent la violenter, mais elle se transforma en arbre, et leur présenta seulement son ombre. Cette ombre devint «la femme charnelle» (90,2), l'Ève biblique, la femme d'Adam. La femme spirituelle prit la forme du serpent et, sous cette forme, instruisit Ève sur le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Ève et Adam croquèrent le fruit de l'arbre, malgré l'interdiction des archontes. Ils furent chassés du jardin d'Éden comme dans la Genèse. Cependant, le chef des archontes est présenté ici comme un être ignorant, jaloux et effrayant. Le récit se poursuit avec l'histoire de Caïn, Abel et Seth. Contrairement à la version biblique de la Genèse, elle met également au monde une fille, Noréa. Lorsque les archontes, fous de jalousie, essayèrent de détruire l'espèce humaine, Noréa chercha refuge chez Noé. À cet instant-là, l'archonte essaya de la posséder, elle cria pour demander de l'aide (93,1-2). L'ange Eleleth descendit des cieux pour se porter à son secours. À partir de là, Noréa s'exprime désormais à la première personne et le texte prend la forme d'un discours de révélation. Elle interroge Eleleth sur la nature et l'origine des archontes, sur sa propre nature et sur le temps qu'il reste avant la libération des «fils de la lumière» (97,14). L'ange raconte alors à Noréa la création et l'abandon de Samæl (le démiurge) par Sophia. Il raconte aussi les actions de Zoé (vie), la fille de Sophia, et la repentance du fils de Samæl, Sabaoth. Le professeur Barc souligne que ces dernières révélations proviennent d'une source différente de celle du début du texte et que ces deux sources ne sont pas complètement en accord l'une avec l'autre. Le récit prend fin avec la discussion de la venue de «l'Homme véritable» (96,33-34) qui enseignera la vérité et libérera les élus, qui «monteront vers la lumière illimitée» (97,8).
Dans son introduction et son commentaire, le professeur Barc souligne que l'Hypostase des archontes serait le résultat d'un travail de synthèse à partir de deux sources principales. Le rédacteur, tout en respectant scrupuleusement le schéma traditionnel d'enseignement sur l'origine de l'homme, enrichit celui-ci en fusionnant avec lui une version gnostique des premiers chapitres de la Genèse. Il la considère comme la forme authentique de la révélation sur les origines, et dont la Genèse canonique ne serait que la version falsifiée. Cette dépendance à la Genèse est si fortement marquée dans l'Hypostase des archontes que certains commentateurs ont cru pouvoir faire de la première partie de cet écrit une paraphrase de la Genèse. Il démontre que les choses sont en fait plus complexes. Si le rédacteur se réfère en effet directement à ce texte, il en reproduit cependant une version corrigée. Le professeur Barc présente aussi un schéma anthropogonique de l'Hypostase des archontes, de l'Apocryphon de Jean et de l'Écrit sans titre. Il établi ainsi, grâce à la mise en lumière des éléments communs aux trois écrits, que les rédacteurs des ces traités ont utilisé la même Genèse «véritable».
Le professeur Barc appelle le deuxième texte, qui a inspiré la seconde partie de l'Hypostase des archontes, la source théogonique. La complexité de la situation de l'Apocryphon de Jean rend incertaine l'utilisation de cette source par son auteur, mais il est certain que le rédacteur de l'Écrit sans titre l'a exploitée. Le professeur Barc, par sa comparaison de l'Hypostase des archontes avec l'Écrit sans titre, arrive à restituer une partie de la source théogonique. Il la soumet à une analyse détaillée qui lui permet de mieux comprendre l'intention des rédacteurs lorsqu'ils intervenaient pour la remanier. Il démontre les liens existant entre la source théogonique et la philosophie de Philon d'Alexandrie, grand exégète et philosophe juif. L'organisation bipolaire du monde archontique rappelle, en effet, les spéculations de Philon sur les deux hypostases divines les plus vénérables et les plus anciennes, le Créateur et le Seigneur.
Le Professeur Barc démontre que la présence de contradictions à l'intérieur même de l'Hypostase des archontes peut être imputée au dernier rédacteur, qui aurait retravaillé la première édition. Il confirme que cette première édition serait le produit d'un gnosticisme juif, la deuxième édition serait, quant à elle, l'oeuvre d'un rédacteur chrétien. Ce deuxième rédacteur n'a pas beaucoup altéré la partie du texte dérivant de la Genèse «véritable». Cependant, il a effectué de nombreux changements dans les sections venant de la source théogonique, qui reflètent une vision chrétienne de l'histoire.
Ce volume présente également le texte Noréa, un court poème, étudié par le professeur Michel Roberge. Noréa est le second texte du codex IX de Nag Hammadi, où il est précédé de Melchisedek et suivi du Témoignage véritable. Ce texte est aussi écrit en sahidique. Le poème débute sur une scène semblable à celle que l'on retrouve dans l'Hypostase des archontes (92, 33-93, 6), où l'Archonte tente de violer Noréa. Le récit commence donc par un cri de Noréa vers la Triade céleste (27,11-22a). Elle reçoit alors la révélation du Noûs Adamas et la faculté d'enseigner de façon à pouvoir, en se sauvant elle-même, porter aux hommes le message du salut (27,22b-28,12a). Prêchant parmi les hommes sans déchoir de sa nature spirituelle, elle rassemble une communauté d'élus et glorifie le Père, qui par son intervention, leur a donné le salut (28,12-23). Elle est gratifiée dès ici-bas de la vision du Plérôme, et elle est assurée d'y revenir par l'intercession de ses quatre défenseurs, les luminaires de l'Autogène veillant sur l'homme intérieur qu'elle construit en chacun des élus.
Dans son commentaire, le professeur Roberge discute du caractère poétique du traité. Il s'agit d'un hymne célébrant Noréa, figure de la femme spirituelle. Par son cri, elle personnifie la prise de conscience du gnostique menacé par la corruption matérielle. Également, par la révélation dont elle est dépositaire, elle résume l'instruction que l'âme spirituelle assure à l'homme intérieur, l'Adamas qui est au sein de tous les élus. Il estime que ce traité, de par sa forte cohérence, nous assure de son intégralité. Il suppose cependant que ce genre d'écrits se prêtait, comme d'autres hymnes gnostiques, à être incorporé à des ensembles rédactionnels plus vastes, sans jamais cesser toutefois de constituer une unité littéraire relativement autonome. Il établit également que le traité de Noréa contient suffisamment d'informations pour permettre de reconstituer, au moins dans ses grandes lignes, le mythe d'origine qui lui est sous-jacent. Son système est apparenté à ceux de l'Apocryphon de Jean, du Livre sacré du Grand Esprit invisible et des Trois Stèles de Seth. Enfin, il identifie et explique les différentes entités nommées dans l'hymne.
Ce volume contient donc les deux textes coptes, établis par les professeurs Bernard Barc et Michel Roberge, accompagnés de leurs traductions françaises, ainsi qu'une introduction et un commentaire pour chacun des textes. Il contient également une bibliographie, un index grec, copte et des noms propres.
Éditions Peeters (Louvain)
Les Presses de l'Université Laval (Québec)
«Bibliothèque copte de Nag Hammadi [section «Textes»]», 5

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